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NON A LA DETTE !!
21 février 2008

Actionnaires contre salariés ? De la répartition des bénéfices

Michelin et Arcelor-Mittal sont au coeur des polémiques ces dernières semaines : ces deux grandes entreprises du CAC40 ferment une usine en France alors que leurs bénéfices sont en forte augmentation. L'Oréal est critiqué aussi : malgré un bénéfice qui augmente de plus de 10% pour la 23e année consécutive, les salariés ont été peu augmentés. Pendant ce temps, les actionnaires de presque tous les grands groupes reçoivent des dividendes très confortables.

Au détriment des salariés ? Est-ce injuste ? Est-ce choquant ? Pour l'analyser, je pense qu'il faut revenir à la définition des relations qui lient une entreprise avec ses salariés d'un côté et ses actionnaires de l'autre. Je vais essayer d'être le plus objectif possible, dites-moi si jamais vous n'êtes pas d'accord avec ces définitions.

Les salariés offrent leur travail à l'entreprise en échange d'une rémunération définie à l'avance. Ceci dans le cadre d'un contrat, régi par le code du travail, qui définit leurs droits (congés payés, salaire...) et leurs devoirs (notamment en ce qui concerne le travail qu'ils doivent fournir). Ils peuvent à tout moment quitter librement leur entreprise (avec un préavis) et, dans certains cas, l'entreprise peut aussi mettre fin à leur contrat, avec (à moins d'une faute grave) le versement d'indemnités au salarié.

Les actionnaires achètent une partie de l'entreprise : ils en sont donc propriétaires. En conséquence, ils sont aussi propriétaires des bénéfices à venir de l'entreprise comme de ses pertes (ils peuvent ainsi perdre leur capital investi). Conséquence : quand des pseudo-journalistes écrivent "Arcelor-Mittal fait 7 milliards de bénéfices, dont 3 vont aux actionnaires", ils ne comprennent pas ce qu'ils écrivent : en réalité la totalité de ce bénéfice revient de droit aux actionnaires (elle leur appartient), dont 3 milliards leur sont reversés sous forme de dividendes et dont 4 milliards sont réinvestis dans la croissance de l'activité ! Les actionnaires choisissent les dirigeants et leur politique, notamment d'investissement (et de désinvestissement) et de rémunération des salariés. En la matière, leur interêt est de trouver un juste équilibre entre leur donner le minimum pour maximiser leur bénéfice d'un côté, et attirer et garder les bons de l'autre côté (ou dit autrement : maximiser la productivité de leurs ressources humaines, c'est-à-dire leur production par rapport à leur coût).

On le voit donc, par la nature des relations qui les lient à l'entreprise, ce sont les actionnaires qui fixent la rémunération des salariés, et non l'inverse. La bonne santé d'une entreprise est une condition nécessaire pour une augmentation des salaires mais pas suffisante : même si les bénéfices sont élevés, les actionnaires n'ont aucune raison d'augmenter significativement leurs salariés à moins qu'ils manquent de bons éléments (si leurs meilleurs s'en vont chez les concurrents ou s'ils n'arrivent pas à recruter suffisament de nouveaux).

Il apparait ainsi que le seul moteur à l'augmentation des salaires dans une entreprise est... l'augmentation des salaires dans les autres entreprises, c'est-à-dire dans l'économie en général. Et le niveau des salaires dans l'économie en général est lié à la productivité des salariés, qui elle-même résulte de deux principaux facteurs : leur qualification et l'organisation des entreprises. Autrement dit : pour augmenter notre pouvoir d'achat (collectivement), il faut augmenter notre niveau d'études et de qualification professionnelle et il faut que les entreprises créent des modes de production (et d'organisation en général) plus productifs et répondant mieux à la demande des marchés. Bref, créer des usines et des services viables (et donc, entre autres, rentables) qui répondent le mieux aux besoins des gens et fermer des vieilles usines de pneus ou de métaux non rentables. Remarque : un chômage élevé pèse aussi sur l'évolution des salaires mais ce n'est pas le facteur déterminant à long-terme, il crée juste un décalage.

Tout ça c'est si la condition "bonne santé financière de l'entreprise" existe. Que se passe-t-il pour les salariés et les actionnaires quand l'entreprise va mal ?

Grâce au droit du travail, les salariés qui conservent leur emploi n'ont aucun risque : leur rémunération ne peut pas diminuer. Il n'existe donc que deux variables d'ajustement : les bénéfices et les licenciements. Les licenciements sont la plus douloureuse car ils font perdre beaucoup (parfois tout) individuellement à ceux qui les subissent. Mais la grande partie du risque en valeur (plusieurs dizaines de milliards d'euros pour une grande entreprise quand son cours diminue fortement, contre quelques dizaines de millions d'euros de salaires qui disparaissent en cas de licenciements) est subie par les actionnaires : les bénéfices sont la principale variable d'ajustement.

Quand la conjoncture est bonne et l'activité rentable comme maintenant, les bénéfices, et donc le cours de l'action et les dividendes, augmentent. Quand elle est mauvaise, les bénéfices baissent et les actionnaires essaient de limiter leurs pertes en procédant à des réductions d'effectifs. En fait, il est aussi choquant de voir les actionnaires garder pour eux de gros bénéfices en n'augmentant pas les salariés quand ça va bien que de voir des salariés garder pour eux leurs salaires en ne proposant pas aux actionnaires de les baisser quand ça va mal !

Ainsi sont les liens entreprise-salariés-actionnaires. Un seul "détail" reste un mystère pour moi : la rémunération des grands patrons. Ceux-ci sont aussi des salariés (avec des responsabilités certes plus larges) et l'interêt des actionnaires est de les payer aussi le moins possible. Pour se justifier, les patrons prétendent qu'ils sont géniaux et qu'ils seraient très demandés à ce prix-là à l'étranger. Moi je pense que dans le management de chaque entreprise du CAC40 il y a une bonne centaine de cadres qui seraient au moins aussi bons que leurs PDG pour une rémunération 10 fois inférieure. La "faille" de ce système qui conduit à des rémunérations démesurées pour cette catégorie de salariés qui ne prend pas plus de risques que les autres est, je pense, les participations croisées dans le capital des grandes entreprises du CAC40 (voulues à l'origine pour qu'un noyau dur de grands actionnaires français puissent résister à une tentative d'OPA étrangère), qui ont pour conséquence qu'un patron du CAC moyen à la fois est membre du conseil d'administration de plusieurs autres grandes entreprises "amies" et a, à son propre conseil d'administration, plusieurs patrons amis. Or qu'est-ce qu'un conseil d'administration ? C'est un petit groupe de représentants des (gros) actionnaires qui... nomme les dirigeants et fixe leurs rémunérations ! Vous imaginez donc facilement la scène : "L'an prochain, tu m'augmentes de 30% et je t'augmente de 40, ok ?"

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Commentaires
A
A quoi servent les super profits du CAC 40, autrement dit à qui profite la richesse de nos entreprises ? Il y a quelques jours, un très bon article, signé Jean-Pierre Robin dans Le Figaro évoquait « la richesse des entreprises et la pauvreté des nations ». Comment expliquer ce paradoxe : des entreprises énormes et très riches, et une nation dont le pouvoir d'achat ne bouge pas ou peu ? <br /> Explication très simple, ces entreprises aux profits mirobolants (12 milliards d'euros pour Total, 8 pour BNP Paribas, 7 pour Sanofi Aventis) ne travaillent pas en France, elles travaillent à l'extérieur. Elles ont (les entreprises du CAC 40) 31 000 filiales dans le monde, qui emploient 6 millions de personnes. <br /> Quel argent font-elles rentrer en France ? L'argent qu'elles distribuent à leurs actionnaires français. 50% des actionnaires du CAC 40 sont des Français. En 2006, ils ont perçu, d'après L'Expansion, quelques 24 milliards d'euros. Ensuite, il y a les salaires versé à leurs états-majors, centres de recherche et sièges sociaux, dans la mesure où ils sont situés en France. <br /> La Suisse, paradis du CAC 40 <br /> Et puis, il y a les impôts versés à l'Etat français... Certes, mais comme elles travaillent à l'étranger, elles versent une grosse part de leur impôt à l'étranger. Une entreprise comme Lafarge, par exemple, verse plus d'impôt au Trésor américain qu'au Trésor français. De même, Total verse de grosses royalties aux pays producteurs de pétrole. Mais surtout, les entreprises du CAC 40 cherchent à échapper à l'impôt. <br /> Comment ?Par exemple, certaines bénéficient du système dit du « bénéfice mondial consolidé ». La multinationale additionne les gains et les pertes de toutes ses filiales, et paye l'impôt sur le solde. Total, Areva, Vivendi profitent de ce système. D'autres pratiquent la délocalisation virtuelle. On loge les actifs immatériels, les marques, aux Pays-Bas, où l'on a le droit de les amortir ! Autant de bénéfices à déclarer en moins. <br /> D'autres techniques ? La plus simple. On fait migrer des holdings ou des filiales en Suisse. Classique. Alstom, Axa, l'Oréal sont inscrites au registre du commerce de Lausanne. Impôt sur les bénéfices, 10% seulement. Au total, les entreprises du CAC 40 qui devraient payer 34,9% d'impôt sur leurs bénéfices, n'en payent que 26,6%. En toute légalité. <br /> La phrase du jour : « Faire de l'argent où l'on veut, quand on veut, avec qui l'on veut », la devise de la multinationale.
N
et pour peu qu'ils aient un copain président de la république, on voit encore mieux la scène...<br /> j'invente?
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